Le droit français des baux commerciaux protège le fonds de commerce du locataire à travers un statut particulier qui donne au locataire le droit au renouvellement du bail. Le propriétaire en cas de non renouvellement du bail, sauf motif grave et légitime à l'encontre du locataire, est tenu de payer une indemnité d'éviction.
L'indemnité d'éviction due au commerçant évincé doit couvrir le préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement du bail (articles L.145-28 à L.145-30 du code de commerce).
L'indemnité d'éviction peut-être fixée à l'amiable entre les parties, mais dans la pratique, elle est le plus souvent évaluée par un expert en évaluation immobilière indépendant.
Petit tour d'horizon des points clés à connaître.
Sommaire de l'article :
- Qu'est-ce que l'indemnité d'éviction ?
- Comment évaluer l'indemnité d'éviction ?
- L'indemnité principale.
- Les postes accessoires
- Dans quels cas l'indemnité d'éviction n'est pas due ?
- FAQ
1.Qu'est-ce que l'indemnité d'éviction ?
Le commerçant bénéficie de la "propriété commerciale". La propriété commerciale s'entend du droit qu'a le locataire sur son bail et plus particulièrement, celui d'en obtenir lorsqu'il arrive à échéance : soit le renouvellement, soit, à défaut (en cas de refus de renouvellement), une indemnité d'éviction.
Lorsque le Propriétaire Bailleur décide de ne pas renouveler le bail commercial, il prive le locataire de cette propriété commerciale et il doit alors l'indemniser de cette perte. Le propriétaire peut refuser de renouveler le bail sans avoir à motiver son refus. L'indemnité d'éviction doit alors couvrir l'intégralité du préjudice causé au preneur.
2. Comment évaluer l'indemnité d'éviction ?
"Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre".
Article L. 145-14, second alinéa du Code de commerce
Comment est calculé le montant de l'indemnité d'éviction ? Quelles méthodes sont privilégiées par les experts en évaluation immobilière ? Quelles sont celles qui sont retenues in fine par le juge ?
L'indemnité d'éviction est constituée d'une indemnité principale et peut comporter également des postes accessoires.
a) L'indemnité principale
L'importance du dommage subi par le locataire dépend du sort réservé au fonds de commerce et nécessite de distinguer deux situations :
- Le commerçant perd le fonds de commerce.
- Le commerçant n'a pas de perte significative de sa clientèle.
L'article L. 145-14, second alinéa du Code de commerce emporte une présomption de perte du fonds. Il revient donc au bailleur de prouver que le préjudice du preneur est moindre que la perte du fonds de commerce.
1er cas : le commerçant perd sa clientèle
Le commerçant peut perdre sa clientèle car celle-ci est attachée au lieu de situation du local commercial. Le commerçant qui perd sa clientèle sera indemnisé sur la base de la valeur du fonds de commerce à l'identique de celui qu'il perd, déterminé selon les usages de la profession. Il s'agit de l'indemnité de remplacement.
L'expert immobilier va évaluer la valeur marchande du fonds de commerce en prenant en compte les résultats d'exploitation, notamment le chiffre d'affaires des trois dernières années.
Les "usages de la profession" correspondent donc principalement à la méthode traditionnelle qui consiste à appliquer à une assiette en général égale au chiffre d'affaires moyen des trois dernières années un pourcentage ou un multiple dépendant de l'activité du commerçant.
Il existe d'autres méthodes, notamment celle de rentabilité qui permet de calculer la valeur du fonds à partir de son cash-flow. Le juge va parfois retenir plusieurs méthodes pour dégager une moyenne.
Bon à savoir : si l'entreprise a de très faibles bénéfices, voire déficitaire, il est toujours jugé que la valeur du fonds de commerce doit être au moins égale à celle du droit au bail.
2ème cas : le commerçant peut se réinstaller
Si, le commerçant peut se réinstaller dans un nouveau local commercial sans perdre sa clientèle et poursuivre l'exploitation, il lui est alloué la valeur du droit au bail. Il s'agit de l'indemnité de transfert.
La méthode la plus fréquente est alors celle dite du différentiel, ou de l'économie de loyer.
L'évaluation de cette indemnité est souvent confiée à un expert en évaluation immobilière qui va calculer la différence, sur un an, entre le loyer libre de marché sans pas de porte des locaux objet de l'éviction et le loyer théorique de renouvellement des mêmes locaux en cause, pour la capitaliser ensuite. Cette capitalisation est le plus souvent réalisée en multipliant la différence de loyer par un coefficient de situation, en général de 1 à 9.
b) Les postes accessoires
L'expert immobilier en charge de l'évaluation de l'indemnité d'éviction va également calculer les indemnités accessoires qui viennent s'ajouter à l'indemnité principale.
Il s'agit des frais dits de remploi (frais et droits de mutation à payer pour l'achat d'une fonds ou d'un bail de même nature).
Il s'agit également des frais de déménagement et de réinstallation. Il existe d'autres postes accessoires possibles : trouble commercial, perte sur stocks, frais d'installation non amortis, frais de licenciement du personnel, frais divers...
3. Dans quels cas l'indemnité d'éviction n'est pas due ?
Le bailleur peut refuser de payer une indemnité d'éviction, si il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire. C'est le cas du mauvais comportement du locataire qui n'a pas respecté une obligation du bail ou qui a commis une infraction à la loi.
Le bailleur peut se fonder sur l'article L. 145-17 du Code de commerce pour refuser le renouvellement et le paiement de l'indemnité d'éviction en cas de motif grave et légitime à l'encontre du locataire.
C'est le cas par exemple si le locataire n'est pas ou plus immatriculé au registre du commerce et des sociétés, mais également si le locataire n'exploite plus son fonds depuis plus de trois ans.
4. FAQ
Quand le locataire doit-il demander l'indemnité d'éviction ?
Le locataire doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal compétent avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Qui fixe le montant de l'indemnité d'éviction ?
Le montant peut être fixé à l'amiable entre le Bailleur et le Preneur. Très souvent, les parties préfèrent confier la mission de réaliser ce calcul complexe à un expert en évaluation immobilière. En cas de contentieux, le juge s'appuiera sur le rapport d'un expert judiciaire désigné par le tribunal.
Quelle est la date d'appréciation de l'indemnité d'éviction ?
Si le locataire n'a pas quitté les lieux : l'indemnité est appréciée à la date la plus proche du départ et non à la date de fin de bail.
Si l'éviction est réalisée : l'indemnité est alors fixée à la date effective de départ du locataire, le plus souvent sur justificatif.
Antonin Zdrzalik
Antonin est le fondateur de la société imovalio et responsable du contenu éditorial.
Expert en évaluation immobilière avec plus de 10 années d'expérience.
Antonin est diplômé de l'institut de droit et d'économie appliqués à l'immobilier (ICH).
Il est membre de la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS) et de la Chambre des Experts Immobiliers de France (C.E.I.F.) de la F.N.A.I.M.